Qu’est-ce qu’un contrat de cession de droits d’auteur ?

Les auteurs et leurs œuvres sont très protégés par le code de la propriété intellectuelle (CPI). Mais qu’est-ce qu’un contrat de cession et quels sont les enjeux pour un photographe et son œuvre ? Faisons le tour des points essentiels à connaître pour se préserver des mauvaises surprises.

Votre image plaît. Un magazine ou un lieu d’exposition souhaite l’acquérir pour en tirer bénéfice. À moins que vous ne soyez rentier ou bohème, vous devrez passer par la signature d’un contrat de cession de certains de vos droits. Ce renoncement peut vous engager au-delà de ce que vous avez cru. Mais procédons étape par étape.

Le droit d’auteur

Le régime du droit d’auteur octroie au photographe des droits moraux (droit au nom, droit au respect de l’œuvre, etc.) et patrimoniaux sur ses images. Les premiers, visés aux articles L.121-1 et suivants du CPI, sont imprescriptibles, inaliénables et incessibles. En revanche, les droits patrimoniaux, dits droits d’exploitation, visés aux articles L122-1 et suivants du CPI peuvent faire l’objet d’une cession. Ces droits recouvrent, entre autres :
le droit de reproduction, qui permet à un tiers la fixation de la photographie par tout procédé permettant ensuite une présentation au public ; et le droit de représentation, qui recouvre quant à lui la possibilité de communiquer la photographie par tout moyen à un public  (lors d’une exposition, par exemple).

contrat de cession
© Kingarion

La preuve par l’écrit

Au regard du point précédent, les termes « cession de droits » visent la cession de ces droits patrimoniaux. Le contrat de cession de droits d’auteur lié à une photographie est soumis au régime du droit commun de la preuve, visé aux articles 1341 à 1348 du code civil, bien moins rigoureux que le régime spécial mis en place par l’article L.131-2 du CPI. Ce dernier dispose que seuls les contrats de représentation, d’édition et de production/adaptation audiovisuelle doivent être « constatés par écrit ».

Il convient de bien détailler ce point qui fait l’objet d’un amalgame courant : pour ces quatre contrats, seule une version écrite aura force probante. En conséquence, la preuve de la conclusion d’un contrat de cession de droits d’auteur afférents à une photographie n’exige pas nécessairement l’apport d’un écrit, sauf en cas de(re)présentation de celle-ci à un public (exposition,par exemple). Globalement, en fonction du montantde la rémunération prévue en contrepartie de la cession des droits, la preuve pourra se faire par tout moyen
(par témoignage, notamment).

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©Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde

Mentions obligatoires

Même si l’exigence probatoire d’un écrit ne concerne que les quatre contrats susvisés, il est pris soin, dans la vie courante des affaires, de procéder à la rédaction d’un contrat écrit à chaque fois qu’est envisagée une cession de droits d’auteur. Cette pratique se justifie notamment par les exigences posées par l’article L.131-3 du CPI. En effet, que la cession soit à titre gratuit ou onéreux, exclusive ou non, il est nécessaire que chacun des droits cédés (reproduction, représentation, adaptation, traduction…) soit strictement précisé quant :

  • à son étendue : supports (papier, électronique, etc.) de l’exploitation pour la cession du droit de reproduction et moyens (projection sur écran, Internet, etc.) de l’exploitation pour la cession du droit de représentation ;
  • à sa destination : usage réservé à un public particulier ou à tout public ;
  • au lieu : il s’agit de déterminer l’étendue géographie de l’exploitation (si la photographie est susceptible de faire l’objet d’une représentation par le moyen d’Internet, il conviendra alors de prévoir la mention « pour le monde entier ») ;
  • à la durée pendant laquelle le cessionnaire pourra bénéficier de la cession des droits.

Enfin, il conviendra d’indiquer la rémunération de l’auteur en contrepartie de la cession de ses droits sur son œuvre, que celle-ci soit à titre onéreux ou gratuit. Si la preuve de ces mentions pour l’un des droits cédés ne peut être apportée – par contrat écrit pour les quatre types de contrats et suivant le régime de droit commun de la preuve pour les autres contrats –, alors la cession de ce droit est nulle. A fortiori, un droit qui n’est pas expressément cédé est réputé non cédé par l’auteur.

A retenir

En pratique, dans un contrat de cession de droits d’auteur afférents à une photographie qui est exploitée dans un journal, il y a notamment une cession du droit de reproduction (puisque la photographie est reproduite sur le journal) et du droit de représentation (le journal fait l’objet d’une présentation publique, par exemple). Deux éléments sont à retenir :

  • la preuve de la cession du droit de reproduction dépend du régime du droit commun de la preuve ;
  • la preuve de la cession du droit de représentation devra être apportée par un écrit.

La cession de ces droits ne sera valable que si les mentions susvisées sont prouvables. Il apparaît que prouver que la cession d’un droit est strictement délimitée n’est pas aisé ; et c’est pourquoi le recours
à un contrat écrit est largement conseillé. De manière générale, la cession d’un droit est souvent interprétée en faveur de l’auteur, pour qui le principe de cession tacite de tout ou partie de ces droits est exclu par la loi.
Ainsi, le TGI de Paris, dans un jugement du 15 décembre 2006, a considéré qu’un contrat de cession de droits d’auteur afférents à des photographies pouvait être prouvé par l’apport d’une facture faisant état d’un accord avec le photographe. Néanmoins, les droits cédés n’ayant pas été délimités strictement comme le requiert l’article L.131-3 du CPI, ils « restent la propriété de l’auteur nonobstant le fait qu’il a accepté le principe de la reproduction de ses œuvres et perçu à ce titre des droits d’auteur ».

Rubrique écrite en collaboration avec le Master 2 Droits des nouvelles technologies et Société d’information (NTSI) de l’université de Paris Ouest-Nanterre La Défense