ITW // Frédéric Dupin

Entre les arts martiaux et la photo, son cœur balance mais se retrouve toujours au Japon…

Depuis combien de temps faites-vous de la photo et quel est votre parcours ?

J’ai découvert la photo à l’âge de 12 ans dans mon collège, lors d’une journée découverte des différentes activités que les enseignants proposaient aux élèves pour les occuper pendant les heures du déjeuner. Quand je suis rentré dans une pièce noire dans laquelle trônait un agrandisseur et éclairée par une lanterne rouge, j’ai pris peur ! Moi qui voulais juste faire des photos de mes copains.

L’enseignante a gentiment insisté pour que je reste et à la fin de l’heure… j’avais déjà le catalogue des agrandisseurs dans les mains. La magie de la photo venait de me frapper ! Puis jusqu’à l’âge de 18 ans, tous mes anniversaires et mes Noëls ont été consacrés à acheter du matériel de laboratoire photo, puis de prises de vues. À la fin de mon cursus scolaire, à 18 ans, je suis devenu assistant d’un photographe de studio reconnu à son époque. Pendant deux années, j’ai appris les bases de la photographie professionnelle : prises de vues en chambre photographique, maîtrise des éclairages de studio, gestion d’un labo pro…

Ensuite, j’ai travaillé 25 ans dans une société d’édition, principalement en tant que photographe de presse. C’est pendant cette période que j’ai découvert l’informatique et la retouche numérique, puis la prise de vue numérique. Par la suite, j’ai décidé de travailler à mon compte grâce à l’expérience acquise dans tous ces domaines. Aujourd’hui, à 53 ans, je suis équipé en appareils reflex numériques Nikon (D750 et D7100) sur lesquels je privilégie des optiques de qualité (Nikon ou Sigma). Je possède également des éclairages de studio nomades pour répondre à différentes demandes. Je reste ainsi fidèle à mes premières amours. Il n’y a guère que le matériel de laborantin que j’ai abandonné depuis longtemps. Malgré tout, l’expérience du développement me sert encore dans l’approche de la retouche numérique. D’ailleurs pour le développement du RAW, j’utilise DXO Optics Pro que je trouve très performant et créatif.

Lac Mashu à Hokkaïdo

Pourquoi avoir choisi le Japon ? Que vous inspire ce pays ?

Je crois que j’ai toujours aimé le Japon. Judoka, et professeur de Judo depuis de nombreuses années, la connaissance du Japon m’a semblé essentiel à une pratique plus complète. C’est dans cette optique que j’ai découvert le Japon en 1995 lors d’un voyage solitaire de plus d’un mois, allant de dojo en dojo. Tombé sous le charme de ce pays où sont mis en lumière le respect de la nature, des gens et des règles, j’y suis retourné souvent, parfois pendant plusieurs mois, pour comprendre au mieux cet univers. J’ai la chance, aujourd’hui, de pratiquer la langue japonaise avec bonheur et donc, pour un Occidental, d’avoir un contact privilégié avec les habitants du pays du Soleil-Levant. Lors de mes différents voyages, j’ai donc eu l’occasion de réunir deux de mes passions : photo et culture japonaise. Ce que je trouve admirable au Japon, c’est le contraste et l’harmonie. Contraste des couleurs, contraste des styles de vêtements, contraste des lieux, contraste des époques, contraste des religions… Et tout cela dans une parfaite entente et harmonie. Il y a des leçons à prendre… Et puis la perfection du détail qui est souvent la clé du raffinement et qui permet d’apprécier beaucoup de petites choses de la vie courante.

Quelle a été votre série préférée de photos du Japon ?

J’aime particulièrement les photos de paysages, et bien sûr le Mont Fuji y prend une grande place. Mais là encore, c’est le contraste qui m’intéresse. Donc des images au cœur de la ville, dans le brouhaha d’une mégapole comme Tokyo, me paraissent tout aussi intéressantes que celles d’un lac gelé au beau milieu d’Hokkaïdo. C’est l’émotion que veut transmettre le photographe que l’on doit percevoir à travers l’image. Et une série d’images, me semble-t-il, parle souvent beaucoup mieux qu’une seule photo.

Torii à Fushimi Inari Taisha

Avez-vous prévu d’y retourner bientôt ?

J’y retourne en avril prochain, car ma connaissance du pays me permet de proposer mes services en tant que guide et accompagnateur à des Français qui veulent voir le Japon autrement qu’avec un tour operator. C’est pour moi un excellent moyen de partager, mais aussi d’approfondir encore la compréhension des rouages complexes de la société japonaise. Et bien sûr, il y a toujours des photos à faire, ou à refaire.

Cerisiers au cœur de Tokyo

Avez-vous des projets de livres ou d’exposition ?

Pour l’instant, pas de projets d’exposition. Quant aux livres, j’ai dernièrement illustré un livre sur l’Art du Judo écrit par mon ami Patrick Roux, judoka français renommé. J’ai un projet de livre sur le Japon, contraste du moderne et du traditionnel, mais à plus long terme.

Jardin d’automne à Nikko

Vivez-vous de la photo ?

Oui, la photo représente ma principale source de revenus. Mais ces photos peuvent être variées. Photos de packaging, reportage lors de séminaires, photos de monuments historiques comme l’Abbaye de Fontenay en Bourgogne, photos pour des sites internet d’entreprises… D’ailleurs, depuis quelques années, je pilote un drone avec tous les agréments DGAC nécessaires à l’utilisation professionnelle de cet outil. C’est un moyen incroyable d’avoir des angles de vues différents. C’est juste un outil en plus, mais qui permet des images magnifiques, parfois surprenantes et qui sont de plus en plus souvent demandées pour des prestations.

Quelles sont vos influences en matière de photographie ?

J’ai beaucoup aimé Jean-Loup Sieff pour sa technique. Robert Doisneau et Elliot Erwitt sont aussi des artistes que j’apprécie beaucoup pour leur coup d’œil. Pour revenir aux paysages japonais, Shinzo Maeda est certainement ma plus grande influence. Tout son travail semble imprégné de l’âme du Japon. Mais il est très difficile de ne citer que quelques noms. Il y a tellement de photographes de talent dans le monde.

Quelle ville conseilleriez-vous à un photographe qui vient au Japon pour la première fois ?

Bien sûr, Tokyo est un “terrain de jeu” formidable car c’est un ensemble de quartiers très différents. Il y a aussi des endroits de calme absolu dans cette mégapole de 30 millions d’habitants. Mais si le photographe a du temps (et c’est une base incontournable), il doit bouger, voyager. Que ce soit à pied, en vélo ou en train, le Japon est une source d’inspiration sans fin pour celui qui est touché par ce pays. Mais surtout pour mieux comprendre cette culture si différente de la nôtre, il faut se laisser guider par ses émotions et accepter de redevenir, l’espace d’un instant, un enfant émerveillé en découvrant ce qui l’entoure et dont il ne connaît pas grand-chose. Ce sont ces yeux d’enfants qui le feront sublimer ses images. Du nord d’Hokkaïdo au sud d’Okinawa, les décors et même les coutumes sont tellement différents que l’œil est sans cesse sollicité.

Quels sont les autres sujets à part le Japon qui vous inspirent pour la photo ?

Si le Japon représente une grande source d’inspiration, mes différents voyages sont aussi le moyen de m’exprimer grâce à la photographie. Ainsi, les États-Unis sont également une grande zone de “chasse” pour celui qui aime les contrastes. Les pays nordiques, l’Islande en particulier, me fascinent tout autant. Imprégner des pixels avec une aurore boréale sera sûrement mon prochain grand challenge. Mais voici mon dernier rêve : survoler le Japon avec le drone pour des images encore plus étonnantes…

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