Le portrait en lumière naturelle

Nous allons voir dans cet article comment jouer avec la lumière naturelle pour réussir ses portraits.

Quand on n’a pas de studio de prise de vue, pas de flash sous la main et pas d’assistant pour tenir un réflecteur, que nous reste-t-il? Il semble que le portrait devient alors un vrai parcours d’obstacles; et pourtant, il su t d’un appareil photo (si si!), d’un sujet (il vaut mieux) et d’un peu de lumière fournie gratuitement par notre cher soleil. En photo, le soleil est notre meilleur ami comme notre pire ennemi. Quoi de plus beau en effet que cette lumière pour mettre en valeur nos chers sujets? Il éclaire le visage, fait briller les yeux, auréole parfois la chevelure d’un beau halo lumineux. Oui, mais le soleil, quand il y en a trop, cela devient aussi un obstacle. Le plus gros inconvénient sera surtout la présence d’ombres (qui dit lumière, dit ombre… comme toujours le ying retrouve le yang). Ces zones sombres vont zébrer ou tacheter le visage du sujet. Cela ne peut pas être joli! Celui qui me dira le contraire aura beaucoup de mal à me convaincre!
Le trop-plein de lumière aura aussi comme effet négatif de faire briller la peau (ce qui, à l’occasion, nous rappelle que notre peau est naturellement grasse). Enfin, l’inconvénient qui peut gêner le plus: le soleil fait grimacer! Adieu le côté naturel et doux du visage; bonjour les plis, les rides, un oeil ouvert, un oeil fermé… C’est loin d’être parfait… (si on excepte une photo d’enfant chez qui cela peut renforcer le côté malicieux). Pour ces nombreuses raisons, les photographes se rabattent parfois vers la prise de vue en studio où, évidemment, les conditions de lumière sont régulées pour obtenir un résultat parfait. Mais qui ne s’est jamais dit en voyant ces gravures de mode: «C’est un peu trop parfait à mon goût, pas assez nature!». Un tel portrait, même s’il est magnifique, ne correspondra jamais à ce que la vraie vie nous donnera l’occasion de voir. Et je passe volontiers (car ce n’est pas le sujet du jour) sur la tendance actuelle à corriger par posttraitement les quelques défauts que le visage osera nous montrer!
À l’extérieur, une série de solutions s’offrent à nous mais, admettons-le, il va falloir se creuser un peu la tête. Nous allons donc développer avec vous quelques trucs très simples et qui sont à la portée de tout le monde. Nous passerons vite sur deux techniques qui ne sont pas forcément intéressantes, et nous vous dirons pourquoi.

© Andrey-Arkusha - Shutterstock
© Andrey-Arkusha – Shutterstock

Le flash

Il a été l’accessoire le plus utile pendant de nombreuses années (notamment pour corriger le manque de lumière et le manque de sensibilité de nos pellicules argentiques). On va bien sûr y penser (quand l’appareil ne le fait pas à notre place) lorsqu’on se trouve dans une ambiance peu lumineuse: intérieur d’un local, fin de journée ou même la nuit. Mais il peut s’avérer aussi très utile en plein jour. À ce moment-là, il conviendra de demander au sujet de tourner le dos au soleil (souvenez-vous: les grimaces!). Le visage va alors être sombre ou même très sombre en fonction de la puissance du contre-jour. Ce n’est vraiment pas beau. Un petit coup de flash (appelé “fill-in” ou “flash en plein jour”) va déboucher toute la partie du visage située dans l’ombre. Si le dosage entre la lumière naturelle (qui éclaire le décor entourant le sujet) et l’éclair du flash (qui baigne le visage) est bien équilibré, on ne voit pas l’effet ou presque pas. Je dirais toutefois que le flash reste un flash et donne une vision qui ne correspond pas à la réalité, ce d’autant qu’il provoque bien souvent des brillances sur la peau. Comme vous devez commencer à le comprendre: pour les portraits, je fuis le plus possible tout ce qui m’éloigne de la vision naturelle.

© TomeK K - Shutterstock
© TomeK K – Shutterstock

Le réflecteur

C’est un accessoire en général rond et pliant. Il est donc peu encombrant et pas très cher. Il permet de refléter la lumière du soleil vers le visage du sujet. Nous ne sommes plus en lumière directe mais en lumière indirecte ou réfléchie. Elle est toujours plus douce et moins éblouissante pour les personnes photographiées. On peut trouver des réflecteurs blancs, d’autres dorés ou argentés, suivant le rendu que l’on veut donner à la lumière qui va se déposer sur le visage.
Inconvénient: il faut prévoir l’aide d’un assistant qui va en permanence orienter le réflecteur pour que le visage soit harmonieusement éclairé. Il existe des dispositifs pour le maintenir (un pied avec différents bras articulés) mais nous sortons, il me semble, du contexte de la prise de vue naturelle. Je rappelle d’ailleurs un aspect qui me semble tout à fait primordial pour réussir un beau portrait: il faut que le sujet photographié se sente bien, à l’aise. À moins d’avoir un mannequin professionnel pour qui, bien sûr, tous ces accessoires sont anodins, je suis convaincu que l’accumulation de matériel rend la prise de vue crispante pour le modèle.
J’en reviens donc aux règles de base qui consistent à placer son modèle dans un environnement apaisant, dans lequel il va se sentir bien. Un modèle détendu, c’est 50% de la photo. Donc: exit l’accumulation de matériel (pourquoi l’impressionner?), exit les conditions de lumière extrêmes, exit les ambiances trop bruyantes ou les espaces trop peuplés. Il est bon de créer une espèce de petite “bulle” dans laquelle vous vous retrouverez seul(e) avec votre modèle.

© tanja-vashchuk - Shutterstock
© tanja-vashchuk – Shutterstock

Le diffuseur

Nous nous approchons du but. Je disais plus haut à quel point la lumière du soleil était bénéfique pour nous autres les photographes. Mais je rappelais aussi sa puissance qui est, très souvent, beaucoup trop importante par rapport à nos besoins. À part en fin de journée, la lumière est souvent trop crue. Le diffuseur est un accessoire qui va permettre de diminuer la quantité de lumière et la rendre plus douce: il suffira alors de l’intercaler entre le soleil et le sujet. Inconvénient: là encore, l’aide d’un assistant, humain ou mécanique, est indispensable.

© Milo Sljubicic – Shutterstock

Le diffuseur naturel

Nous y voilà enfin! Il existe tout autour de nous des diffuseurs prêts à l’emploi qui vont nous offrir une belle lumière douce, capable d’illuminer le visage de notre sujet sans l’éblouir et sans faire briller sa peau. Je vais les détailler maintenant.

  • Le plus grand diffuseur existant: le ciel

L’idéal est de choisir une journée nuageuse. La masse constituée par les nuages fait exactement le même e et qu’un diffuseur. En général, c’est la lumière que nous n’aimons pas; nous la trouvons molle car elle ne donne pas de relief aux choses. Pour les photos de paysage ou d’architecture, ce n’est pas idéal, mais quand il s’agit de portrait, c’est tout le contraire. Sauf si la couche de nuages est trop mince, vous devriez pouvoir demander à votre modèle de faire face à la source lumineuse et obtenir ainsi un éclairage parfait. Si, la lumière est encore trop éblouissante, un beau portrait en trois quarts sera la solution.

  • Autre solution: l’ombre provoquée par un bâtiment

En ville, il est impossible de ne pas trouver cela: la grande zone d’ombre provoquée par un bâtiment vous donnera une immense zone de prise de vue, avec souvent beaucoup de recul et, si vous avez un peu de chance, un fond bien neutre pour isoler le sujet.

  • Pour les plus ruraux d’entre vous: l’ombre d’un arbre

Ici, d’ailleurs, je ne parlerais pas vraiment d’ombre, car il s’agit plus exactement de la lumière du soleil  filtrée par le feuillage de l’arbre. Il faut un arbre au feuillage épais car, sinon, vous aurez des zones d’ombre et des zones de lumière sur le visage du modèle. La plupart des photos qui illustrent cet article ont été prises sous un arbre, en plein été. Pas d’autre artifice.

© Anna Moskvina – Shutterstock

 

Quelques trucs pêle-mêle

Un des nombreux avantages à utiliser une lumière indirecte est que les écarts d’IL (Indice de Lumination) entre le décor et le sujet sont en général moins importants. La lumière de la scène globale est donc beaucoup plus facile à exposer et la cellule de votre appareil vous rendra un résultat généralement très bon. Attention toutefois à éviter les écarts de couleurs trop marqués: sujet à la peau claire sur un fond sombre, ou inversement! Un autre truc sera de jouer avec le manque de profondeur de champ. Autour de f/2 (si vous pouvez) ou de f/2.8, vous obtenez des effets magnifiques. Le sujet est comme posé sur le fond. Le fond flou (appelé bokeh) va complètement mettre en valeur le modèle. C’est d’ailleurs une technique indispensable quand le décor est trop riche en détails de toutes sortes (en ville: panneaux, affiches publicitaires, véhicules, etc.): la faible profondeur de champ aura pour e et de faire disparaître tout ce fouillis dans un  ou bienveillant. À l’inverse, un beau fond peut devenir réellement merveilleux s’il est noyé dans le  ou (végétaux fleuris, maisons multicolores, etc.). Jusqu’à une ouverture de diaphragme de f/4, vous obtenez un bel effet de fond flou.

Dans ce domaine, rappelons que le modèle est le sujet principal: le fond flou va le mettre en valeur car le regard va se porter sur lui uniquement. Pour terminer sur le sujet du flou, je dirais que les très grandes ouvertures de diaphragme (f/1.4 jusqu’à f/2.8) vous permettront aussi de donner à vos images un cachet tout à fait original, en isolant non pas le sujet mais une partie seulement du sujet. Ainsi, vous mettrez en valeur un beau regard au milieu d’un visage flou et d’un fond encore plus flou. Effet garanti! Ne négligez pas la partie maquillage: très souvent elle va donner un vrai plus (surtout quand il est discret, donc naturel!). D’autant que certains fonds de teint permettent d’atténuer la réflexion de la peau. Enfin, il est parfois très judicieux d’utiliser la lumière du soleil couchant, car elle offre une gamme de couleurs chaudes qui mettent en valeur le modèle en lui donnant une mine superbe.

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© LightPoet – Shutterstock

 

Didier Aymard
DidierAymardTombé dans la photo à l’âge de 12 ans (Kodak Instamatic !) et jamais guéri depuis. Pur autodidacte, il a à peu près tout essayé sans jamais se spécialiser, sauf pour le portrait car c’est un « merveilleux moyen pour communiquer avec les autres ». La photo reste une passion et un jeu que trente-sept ans de pratique n’ont pas encore réussi à émousser. Son profil de photographe : plus instinctif que technicien, même s’il confesse un penchant immodéré pour le beau matériel.